Pourquoi tu pleures, maman?

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Avant, je ne pleurais jamais !

Ni pour du bonheur, ni pour du malheur. J’avais le coeur froid, comme on dit. Dur comme la pierre, le sourire aux lèvres, ou la bouche plissée avec une moue serrée. Mais les larmes restaient là, ne coulaient pas. Je les maîtrisais.

Oh, cela m’arrivait petite, et je me cachais parfois, au fond de mon lit de princesse dans ma chambre couleur lavande.

Petite fille, jeune fille, femme et je ne pleurais pas devant les autres. Parce que je n’aimais pas . J’avais compris que pleurer , c’était montrer de la faiblesse. Je ne voulais pas être faible.

Mais…

Je n’ai pas pleuré, quand j’ai quitté mes amis du Nord, pour rentrer dans mon Sud .

Ou quand j’ai loupé, puis réussi mon Bac.

Je n’ai pas pleuré non plus, quand mon chéri m’a passé la bague au doigt. C’était un beau et grand jour pourtant.

Ni quand, le laboratoire m’a tendu le résultat du test de grossesse positif, après 8 ans d’échecs.

J’ai commencé à pleurer

En devenant maman, j’ai laissé couler des larmes, seule dans ma chambre d’hôpital ou la nuit en les regardant dormir, terrassée de fatigue.

Arthur est né, j’ai pleuré. Adam est né j’ai pleuré. Apolline est née, j’ai pleuré. Augustin est mort, j’ai pleuré.

Depuis un an, je ne fais que cela. Je n’arrive pas à contenir ce flot de larmes, qui peuvent arriver à tout moment, surtout quand j’ouvre ma boite de Pandore.

Pleurer c’est mécanique, et l’expression « ravaler ses larmes » est si laide.

Pourtant j’aimerais pouvoir les contenir, leur dire:

« restez où vous êtes, vous sortirez plus tard quand je serai seule ».

Mais je ne peux pas !

Pas un jour depuis 13 mois, n’est passé, sans qu’aucune larme ne soit versée. Elles coulent toujours quand je m’y attends le moins. Descendant le long de ma joue, pour venir saler mes lèvres, ou s’échouer dans un mouchoir, qui depuis, ne me quitte pas.

Un mot, une photo, une pensée, et c’est les flots.

Et toutes ces fois où…

J’ai pleuré seule dans mon lit d’hôpital ou dans celui de la maison. J’ai pleuré la tête enfoncée dans mon oreiller avec l’espoir fou, que je m’étoufferais.

J’ai pleuré, en marchant en rond dans ma cuisine en plein bad trip, avec pour seule envie, en finir avec la vie. Que je pensais, trop cruelle, pour m’infliger mes malheurs. Que je voyais si noire et si monstrueuse.

J’ai pleuré, couchée par terre sur le carrelage, où, le froid du sol me faisait me sentir vivante, alors que j’étais morte à l’intérieur. Dehors en plein hiver sous la pluie, comme si les gouttes gelées, pouvaient effacer celles qui coulaient chaudes, qui me brûlaient les yeux, les joues, la peau.

J’ai pleuré quand j’ai donné les affaires de bébé, non stop pendant plusieurs heures, à en crever de mal aux yeux, si rouges que j’arrivais à peine à les ouvrir pendant une semaine.

J’ai pleuré si souvent, roulée en boule sur mon tapis de salle de bain, avant, pendant ou après la douche, pensant que le bruit de l’eau qui coule, pouvait effacer le bruit douloureux de mes pleurs et celui de mon nez qui renifle.

J’ai pleuré accrochée à l’évier de la cuisine rentrant les ongles dans le bois, dans le jardin, au potager, en forêt, sur la plage, ici ou là. Mais toujours en essayant d’éviter que les enfants ne me voient ou m’entendent pleurer.

Et j’ai pleuré …

… Hier soir après avoir mis ma tête , encore une fois, pour cette vilaine paperasse qui me terrasse…

À table, mes fils ont dit :

« on t’as entendu pleurer maman, pourquoi tu pleures?

Et les larmes ont coulé à nouveau, emportées par le flot de l’émotion, qu’une seule réponse suscite :

« C’est Augustin, qui me manque »

2 commentaires
  1. Aurel dit

    Que dire… Après ce récit si …Je ne trouve pas le mot adéquate peut etre n’hexiste t’il pas!
    Se caché est souvent un réflexe alors que finalement nos enfants son loin d’être « bête » ils voient nos douleurs a l’interieur. Et en leur montrant qu’on peux être triste ça leur montré aussi qu’ils ont droit de eux aussi s’exprimer. Enfin pour en revenir à vous je dirais que dans une situation si complexe et dure il est normal de pleuré, d’évacuer cette douleur autant physique que morale. Bon courage avec tout les papiers…

    1. Céline de LittleBigMaman dit

      Merci pour ces mots. Oui, pleurer est normal. Mais j’évite la tristesse avec les enfants. Ils ont déjà tellement « morflés » avec ce qui nous est arrivé. Pleurer est un processus qui va avec le deuil.

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