Le sari

Nalini se regardait le miroir. Son sari brillait de mille feux, grâces au perles et sequins que sa mère venait de finir de coudre.

_  » il est vraiment magnifique Maji*. Je l’aime beaucoup. Dit- elle à sa mère en caressant l’étoffe d’une main.

Elle venait d’avoir 18 ans, des cheveux  presque jusqu’aux genoux que sa mère lui brossait tous les soirs et lui tressait tous les matins. Des yeux noirs bordés d’immenses cils qui regardaient ce reflet qu’elle ne reconnaissait pas. 

« Qu’elle est belle »se disait sa mère , « avec les bijoux traditionnels ce sera parfait « .

Ses parents, malgré une vie à l’occidentale, avaient les traditions bien ancrées en eux. Le temps était venu que leur fille rencontre Vish, son futur mari.  Il avait été  choisi avec soin en fonction des attentes des deux familles. Et même si la notion de caste n’avait pas lieu d’être ici, ses parents avaient convenu, avec la famille que ce serait lui depuis longtemps.

Sur les réseaux sociaux,  Nalini avait cherché des informations sur le jeune  homme. Elle n’avait que peu d’informations . Il était  étudiant à Science Po  Paris. Il était éduqué dans les « traditions »et  le savoir vivre hindi. Et c’est tout ce qu’elle savait. Frustrée de ne pas avoir accès à son compte Instagram, et qu’aucune photo de lui ne filtrait de lui, elle se demandait à quoi il pouvait bien ressembler.

Le soir du Réveillon, ils allaient l’accueillir chez eux .  C’était un grand honneur, dans une si modeste « maison ». Et cela faisait des semaines que sa mère organisait des festivités dignes d’un roi. On ne parlait plus que de sa venue depuis le mois d’octobre. Et heureusement que Nalini pouvait s’évader en allant en cours à la fac.

C’était peu conventionnel, et surprenant de le recevoir , mais  les parents de Vish,  étaient à Cochin , il se retrouvait seul pour les fêtes. Seul dans un pays étranger, ce n’était pas possible avaient décidé ses parents, et les siens. Il viendrait donc chez eux. L’hospitalité était très importante dans leur famille.

On fêtait Noël « comme au pays ». C’ était même une grande fête, où mangues et feuilles de bananiers, venaient remplacer le sapin, comme un rappel des fêtes dans le Kerala. Une lampe à l’huile serait placé sur le balcon, faute de pouvoir monter sur le toit de l’immeuble. Inaccessible depuis  que la vieille du rez de chaussé avait décidé d’en finir l’an dernier en sautant. Les gestionnaires des HLM avaient condamné les accès. 

Nalini se souvenait de ce jour, comme si c’était hier. Son père n’avait pas récupéré la lampe .Il en avait acheté une nouvelle comme pour conjurer le sort.

La jeune fille se regarda une dernière fois, avant que sa mère ne l’aide à retirer son sari. C’était l’heure d’aller donner son cours de français aux enfants . Les Soeurs avaient déjà ouvert la porte du  local, pour accueillir les enfants du cathé et les « autres ». Leur porte était ouverte à tous.  Tout le monde pouvait venir boire une boisson chaude, manger un gâteau fait par leurs soins, et prendre un livre. 

Nalini se souvenait comment 12 ans plus tôt, elle avait poussé la porte, et comment  Soeur Françoise l’avait accueilli, avec un si grand sourire aux lèvres, et ses petites lunettes perchées au bout de son nez.

Rien n’avait changé ou presque, Monsieur Jacques ne venait plus aider, c’est  maintenant elle qui avait pris le groupe en charge.

Nalini voulait devenir professeur. Ici, elle apprenait autant qu’elle enseignait .

 

 

*Maman en Indi